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LE PAIN DE L’HUMILITÉ

Dans les carnets de notes intimes de Bernadette Soubirous, on lit de sa main en 1874 «Résolution de retraite : combattre avec générosité mon défaut dominant, la susceptibilité…»
Véritable pépite spirituelle !
Notre conception de la sainteté est trop souvent inaccessible ou mièvre.
Nous considérons les statues érigées sur nos autels, mais oublions la glaise dont le potier a pétrie leur sainteté.
Les notes de l’humble religieuse de Nevers, canonisée par l’Église, nous font changer de vision.
Les saints ne s’auto-proclament jamais parvenus à quelque degré que ce soit.
Ils ne théorisent surtout pas la sainteté.
Bernadette l’inscrit dans une connaissance de soi sous le regard de Dieu, et sans fioritures.
Elle se sait susceptible ? C’est ma foi bien vrai.
Là est son écharde relationnelle.
Elle situe la vie chrétienne dans un combat livré « avec générosité »
C’est-à-dire de cœur, d’énergie, d’amour oblatif.
Ainsi est le secret des saints.
Ils ne tirent aucune perfection d’eux-mêmes.
Leur « vivre de Jésus », comme dit souvent Bernadette, est la source à laquelle ils puisent pour Lui demander ce qu’elle appelle « le pain de l’humilité ».
Alors, écrit-elle : « Le cœur humain se brise pour aller à Jésus. Que je sois transformée en Lui pour être plus charitable envers le prochain ».
L’Église, actuellement si secouée et tant traversée par le sordide que nous savons, ne peut être ce que Dieu attend d’elle, sans cette conversion radicale.
La Toussaint, la commémoration des défunts, et l’ensemble du calendrier de novembre sont imprégnés de cette mort à plus grand que soi.
« Il faut énormément d’humus, écrivait ce sage, pour produire un peu d’humilité vraie ».
Dans la crise actuelle, beaucoup disent, à juste titre, que l’Eglise ne sera audible au monde si elle ne convertit l’intérieur de ses comportements.
Remarque exacte, mais insuffisante si chacun ne l’applique à soi !
Les saints nous interpellent avec vigueur.
Ayant rencontré, dans l’histoire religieuse des siècles, le défi multiséculaire de ce qui corrompt la fidélité au Christ, ils nous redisent que tout abus d’autrui est destructeur d’autrui.
Ils nous exhortent à ne pas confondre justice et miséricorde, mais à les relier toutes deux par le haut, c’est-à-dire dans le respect de Dieu en l’homme et de l’homme en Dieu.
Ils nous décrivent l’orgueil dévastateur de se croire seulement « canal » de la grâce, et non « réservoir » de cette conversion pour s’y laver d’abord abondamment !
Puisse la Toussaint convertir chacun « au tranchant de la Parole, jusqu’aux jointures et moelles de soi, pas une créature n’échappant à ses yeux ».

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde.

SINE DOMINICO, NON POSSUMUS!

Nous sommes en 304 dans la cité d’Abitène en l’actuelle Tunisie.
Quarante-neuf chrétiens sont « surpris » au domicile d’Octave Félix en train de célébrer l’eucharistie dominicale. Pris en flagrante désobéissance vis-à-vis du dieu impérial.
L’empereur Dioclétien a farouchement interdit tout rassemblement, toute expression de foi. Déportés à Carthage, les membres de ce groupe seront fidèles jusqu’au bout à leurs convictions. Ils diront à leurs bourreaux : « Sine dominico, non possumus! » Sans le dimanche, nous ne pouvons vivre. En 2005, Benoît XVI rendit hommage à ces martyres trop méconnus, reconnaissons-le.
Quelle force d’âme! Avoir saisi que si le dimanche est Jour du Seigneur, ne pouvoir se rassembler pour en célébrer la dimension pascale est l’équivalent de ne plus pouvoir vivre.
Ici, l’expression dépasse une « revendication ». Elle dit qu’il est question de vie ou de mort spirituelle.
En 2021, qu’advient-il de notre dimanche ? La sacralisation hédoniste n’a-t-elle pas pris le dessus? Serions-nous déterminés et cohérents comme le furent les croyants d’Abitène ?
Évidemment, on objectera la raréfaction des possibilités de messes en nombreux lieux.
On argumentera du côté de la sécularisation de la société.
On cherchera à contextualiser…
Demeurera pourtant, au-delà de ces conjectures, l’enjeu essentiel.
Bien au-delà d’une faisabilité, y a-t-il en nous un désir du Christ qui surpasse toute mesure?
Les custodes, affectueusement emportées par les pratiquants du dimanche à l’intention de leurs frères malades ou empêchés, ne signifient elles pas que, pour ces fidèles, une banalisation du dimanche est inconcevable ?
Ceux qui ont possibilité de se rassembler pour la grâce de l’eucharistie mesurent-ils la souffrance de ceux qui en sont privés ?
La Covid ayant brouillé de nombreux repères, il serait bien de se ressaisir dans ce qui fonde notre être chrétien.
Les fidèles du Christ n’imposent évidemment pas à la société et à leur entourage leur conception et leur pratique.
Mais il leur incombe de ne pas relativiser la relation vitale qui doit être la leur au dimanche.
Et de rappeler, qu’indépendamment de toutes convictions religieuses, protéger une certaine qualité dominicale, c’est aussi préserver la société d’une perte de son centre de gravité existentiel.
Merci à celles et ceux qui, en tous points du diocèse, prennent soin du rassemblement eucharistique.
Que les martyres d’Abitène nous éclairent dans l’aujourd’hui de notre Église !

Mgr Bernard Podvin
Missionnaire de la Miséricorde.

Message de Mgr Laurent Ulrich

Ce week-end, tous les catholiques de France sont invités à prier pour les personnes qui ont été victimes de violences sexuelles dans l’Église.
Mgr Laurent Ulrich, notre archevêque nous adresse un message à cette occasion :

« Frères et Sœurs, Nous avons prié ce Dimanche pour les personnes victimes de violences et agressions sexuelles dans l’Église. Mardi prochain, le 5 octobre, M. Jean-Marc Sauvé, président de la CIASE, la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église, remettra publiquement aux évêques de France et aux supérieurs des congrégations religieuses un rapport, celui que l’Église lui a commandé, il y a 3 ans, pour faire la lumière sur les violences sexuelles commises par des membres du clergé et des religieux sur des enfants et des adultes vulnérables depuis 1950.
Ce rapport va présenter un tableau de ces faits terribles de pédophilie, analyser la manière dont l’Église les a traités et faire des recommandations.
En parallèle de cette enquête, nous, évêques avons poursuivi collectivement notre travail de lutte contre la pédophilie dans l’Église. Au cours d’assemblées plénières, nous avons reçu et écouté ensemble des personnes victimes, nous avons dialogué avec elles. Ces échanges nous ont permis, en mars dernier, de prendre un ensemble de décisions supplémentaires que nous avons présentées à tous les fidèles dans une lettre aux catholiques de France. Nous sommes engagés dans la mise en œuvre de ces mesures nouvelles pour faire de l’Église une maison plus sûre.
Mardi prochain, la publication du rapport de la CIASE va être une épreuve de vérité et un moment rude et grave. Avec humilité, nous allons recevoir et étudier ces conclusions pour adapter nos actions – pour ceux qui se questionnent sur les actions réalisées, vous pouvez les retrouver sur le site du diocèse.
Je vous tiendrai informés des suites que nous donnerons à ce rapport car cette lutte contre la pédophilie nous concerne tous.
C’est dans une attitude de vérité et de compassion que j’invite chacun d’entre vous à le recevoir. Mais avant tout, nos pensées, notre soutien et nos prières vont continuer d’aller vers toutes les personnes qui ont été abusées au sein de l’Église. Que le Seigneur de justice et de miséricorde nous conduise sur le chemin d’une vie nouvelle. »

† Laurent Ulrich, Archevêque de Lille